Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
" La Voix des Peuples " de Stéphane Parédé

Piero Gobetti, le libéral du futur par Stéphane Parédé (La conciliation entre les entrepreneurs et le mouvement ouvrier : une équation fondamentale)

18 Septembre 2018 , Rédigé par Stéphane Parédé

Section 1) La conciliation entre les entrepreneurs et le mouvement ouvrier : une équation fondamentale

 

Si Gobetti est un libéral et un capitaliste convaincu qui fonde sa théorie sur les fondements juridiques du système capitalistes comme le droit de propriété (des biens de production et de consommation), la liberté économique, la liberté des échanges, la liberté d'entreprendre et la libre concurrence, il faut toutefois prendre en considération sa volonté de concilier le monde des entrepreneurs avec le mouvement ouvrier.

En effet, Piero Gobetti tient compte des masses ouvrières et critique donc le conservatisme de certains libéraux. En ne tenant pas compte du mouvement ouvrier, qui était en passe de devenir l'héritier naturel de la fonction du libéralisme. Il pallie à ce manque théorique en liant les deux phénomènes de la vie politique que sont la formation historique des partis et la lutte des classes.

 

La rencontre de Gobetti avec le mouvement ouvrier turinois des conseils d'usines, qui va pratiquer une autonomie qui est chère à sa doctrine et avec Antonio Gramsci vont être capitale pour la suite de son parcours théorique et politique.

Peu d'études sont consacrées aux rapports entre Piero Gobetti et Antonio Gramsci et à leur influence réciproque, mise à part, Gramsci e Gobetti, Introduzione alla vita e alle opere, ouvrage de Paolo Spriano. A la suite de ce mémoire de licence, une édition complète des œuvre de Gobetti dans les années 1960 et 70 fut publié sur la figure du jeune libéral turinois. Par contre, mise à part cet exemple, force est de constater, que les rapports entre les deux intellectuels majeurs de l'Italie du XXe siècle, ont fait l'objet d'instrumentalisations et même de récupérations. C'est dans ce sens, que le philosophe libéral Benedetto Croce avait déclaré, en 1947, après avoir lu, Les lettres de prison (Lettere dal carcere) à propos de Gramsci « c'est l'un des nôtres ». . De même, Luigi Russo, dans sa revue Belfagor, avait défini la pensée de Gramsci comme étant celle d'un « communiste libéral », toujours à la même date.

A l'inverse, il fallait distinguer la radicalité de « la révolution libérale » de Gobetti, de celle de « la révolution russe », tâche aisée puisque Piero Gobetti n'était aucunement communiste et avait dénoncé les dérives bureaucratiques et économiques de ce courant. Ces deux intellectuels partagent toutefois un point commun qui font d'eux, les garants de l'actuelle démocratie italienne. Ils ont également en commun d'avoir beaucoup travaillé à Turin. A ce sujet, Turin fut un laboratoire politique et ont tous deux côtoyés Giovanni Gentile et Benedetto Croce. Le jeune prodige de dix-sept ans, qui vient de fonder la revue culturelle Energie Nove, rencontre pour la première fois Antonio Gramsci en 1918.

Gobetti parvient à s'attacher avec de nombreuses personnalités italiennes, en passant de Luigi Einaudi à Benedetto Croce, de Giuseppe Prezzolini à Gaetano Salvemini. Son ouverture d'esprit lui permet d'intégrer la rédaction de la revue dirigée par Gramsci. Piero Gobetti sera chargé de la rubrique culturelle de l'Ordine Nuovo.

Ainsi, Gobetti va connaître au plus près les aspirations ouvrières des Turinois.

Il affirme même que son libéralisme prend nettement racine « dans l'expérience concrète des luttes de ceux d'en bas ». Pour lui, par son action, le mouvement ouvrier est en passe d'instaurer la liberté avec un L majuscule.

En avril 1922, à la veille de l'arrivée au pouvoir du fascisme, Gobetti écrit : « Face au grandiose mouvement des Conseils (…) un libéral ne peut avoir (une) position simplement négative (…) Quiconque (…) espère une reprise du mouvement révolutionnaire du Risorgimiento (…) a pu croire à bon endroit pendant un moment que la nouvelle force politique dont l'Italie a besoin de ces aspirations et de ces sentiments ».1

Toutefois, Piero Gobetti considère le marxisme comme faux économiquement, mais prend en considération la lutte des classes en la considérant comme une forme naturelle de conflit au sein des sociétés capitalistes. Pourquoi une telle opinion ? Parce que selon lui, un tel projet non-messianique d'émancipation devenait alors possible avec l'appui des progrès scientifiques et techniques.

Pour arriver à cette conclusion, il avait pris conscience de l'aspect des forces historiques. Cependant, au lieu d'opposer entrepreneurs et ouvriers, Piero Gobetti pense intégrer la lutte des classes au sein d'un véritable programme pour les élites.

A la lutte des classes de Gramsci, Gobetti y oppose une concurrence des groupes, ce qui est fondamentalement différent et novateur. Cette notion essentielle dans sa philosophie politique lui permet d'intégrer la lutte des classes vers une logique historique unique du capitalisme.

Quoi de nouveau par rapport à Antonio Gramsci ?

En résumé, Gobetti concilie les ouvriers et les entrepreneurs en une alliance bénéfique pour l'avènement du nouveau libéralisme authentique, dont la mise en œuvre en va de l'intérêt des deux acteurs et donc nécessairement du mouvement ouvrier.

 

Le libéralisme authentique de Gobetti s'inscrit inexorablement par la passion démocratique des masses pour la liberté et s'oppose donc totalement au collectivisme et au bolchevisme italien.

1. P. Gobetti, Storia szi communisti torinesi, article cité dans la traduction française de Robert Paris, in A. Gramsci, Ecrits politiques, vol. 3 (1913-1926), Paris, Gallimard, 1980, p. 36.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article